Lettre d’opinion du président de l’AQCS, Mario Champagne – Avez-vous dit réinvestissements en éducation?

Sur toutes les tribunes, le gouvernement du Québec claironne qu’il entend réinvestir en éducation. Noble objectif de la part d’un ministre déterminé qui, depuis son entrée en fonction, apporte la stabilité tant recherchée dans le réseau scolaire. Le discours a de quoi séduire, mais du même coup, le gouvernement reconnaît du bout des lèvres que les douloureuses compressions infligées en éducation depuis 2010-2011 ont eu un effet déplorable sur l’état du réseau scolaire. Dans les faits, parlons-nous ici de renflouement ou de réinvestissement ?

Selon une compilation dévoilée par le ministère de l’Éducation, on apprenait la semaine dernière que près de 90 % des bâtiments de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) sont considérés en « mauvais » ou en « très mauvais » état. À la Commission scolaire de la Capitale, on parle de 80 % des établissements scolaires et plusieurs autres commissions scolaires de la province comptent plusieurs écoles requérant des investissements importants. Toutefois, l’AQCS reconnaît que depuis 2007, le gouvernement du Québec a mis les bouchées doubles dans le but de remettre en état le parc immobilier scolaire.

Mais au-delà des investissements dans la brique et le mortier, le gouvernement a menotté les commissions scolaires avec sa loi sur la gestion et le contrôle des effectifs. Conséquence : on a beau décupler les enveloppes pour les travaux de modernisation et de construction de nos écoles, au bout du compte, le nombre d’employés affectés à ces travaux n’a pas suivi.

Avant de rénover une école, il faut identifier les besoins, préparer les documents d’appels d’offres, veiller à la réalisation des travaux, etc. Pour le personnel des ressources matérielles, il devient extrêmement difficile de synchroniser tous ces travaux majeurs en même temps que l’on s’occupe de l’entretien et de la maintenance avec des ressources humaines trop restreintes.

Rappelons que pour chaque dollar investi en entretien, l’État québécois en économise quatre en travaux de réfection. Le gouvernement récolterait un retour sur ses investissements des plus intéressant en autorisant des effectifs de plus.

 À quelques jours d’un budget provincial, il est pratiquement acquis que Québec débloquera de nouvelles sommes pour déployer la toute première politique sur la réussite éducative. Pour que cette politique soit digne de son nom, elle devra rehausser le nombre de ressources en services complémentaires au primaire (incluant le préscolaire), au secondaire et en formation générale aux adultes. Et parce qu’on veut atteindre la réussite pour tous, peut-on espérer, cette fois-ci, étendre ces ressources au bénéfice des élèves de la formation professionnelle ?

Par ailleurs, il semble tout aussi acquis que de nouveaux budgets seront consacrés à la nouvelle Stratégie numérique sur laquelle le gouvernement Couillard fonde beaucoup d’espoirs. Encore ici, il faudra résister à la tentation de tout investir dans ces tablettes et autres outils numériques. Une analyse menée par notre Commission professionnelle des technologies de l’information indique qu’il faut prévoir des sommes pour la formation et l’ajout de ressources spécialisées.

Nos experts évaluent que les besoins financiers pour soutenir les investissements, le déploiement et le maintien des infrastructures des technologies de l’information (TI) dans le réseau scolaire s’élèvent à 91,8 M$ par an pour les cinq prochaines années.

Pour la première fois depuis longtemps, on sent que l’éducation s’érige en priorité nationale. Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ? Le budget du ministre des Finances nous le dira. D’ici là, disons non au saupoudrage. Non à des règles budgétaires transmises à quelques jours de l’adoption des budgets des commissions scolaires. Non à des enveloppes dédiées que les commissions scolaires ne peuvent utiliser selon leurs besoins, en raison de critères trop restrictifs. Oui à des investissements qui permettront au Québec de se hisser parmi les nations les plus instruites au monde. Oui à des ressources qui rendent possibles la réussite éducative, la migration vers le numérique et la rénovation des écoles pour en faire des lieux d’apprentissage de qualité. Oui à un réseau d’écoles publiques parmi les meilleures au monde.