Jusqu’où donc va la notion de service direct?

Lettre d’opinion cosignée par l’AQCS, l’ACCQ, l’Alliance des cadres de l’État et l’AGESSS

L’idée d’abolir par attrition des postes d’employés de l’État qui n’offrent pas de services directs à la population en alléguant la « bureaucratie » revient assez régulièrement dans l’espace public depuis le début de la campagne électorale. En tant que représentants de quatre associations de cadres de l’administration publique québécoise, nous nous questionnons d’une part, sur cette intention dans un contexte de croissance économique du Québec et, d’autre part, sur la notion de service direct à la population.

Tout d’abord, précisons que nos associations représentent des chefs de secrétariat, agents d’administration, chefs d’unité, de programme ou de service, conseillers en soins infirmiers, régisseurs, coordonnateurs, directeurs adjoints et directeurs œuvrant dans les services des différents ministères et organismes, hôpitaux, cégeps et commissions scolaires.

Le Québec d’aujourd’hui est en forte croissance économique. Il est aussi en pleine mutation sur le plan démographique : vieillissement de la population, hausse importante de la clientèle scolaire au primaire et au secondaire et arrivée de réfugiés. Cette conjoncture exerce une pression sur les gestionnaires des secteurs de l’éducation, de la santé et des services sociaux ainsi que de la fonction publique. Comment, dans un tel contexte de croissance et de nouveaux besoins, peut-on envisager l’abolition de postes d’employés de l’État quand du même souffle, on propose une vision renouvelée du rôle de l’État et de nombreuses ambitions, notamment pour la santé et l’éducation? Ce serait selon nous négliger le rôle important de la gestion des organisations publiques.

Par ailleurs, la notion de services directs à la population mérite d’être clarifiée. Doit-on comprendre que les gestionnaires des commissions scolaires, des cégeps, des centres intégrés de santé et de services sociaux et de la fonction publique qui gèrent la construction ou l’agrandissement des écoles, cégeps, hôpitaux ou encore l’entretien des routes, n’offrent pas de services directs à la population? Doit-on comprendre que ceux qui embauchent le personnel de leur organisation, qui réfléchissent au déploiement des technologies de l’information, de nouveaux programmes destinés aux étudiants, aux usagers et aux investisseurs, n’offrent pas de services directs à la population? Et que penser des gestionnaires qui s’assurent que les finances, les approvisionnements et l’environnement juridique des grandes missions de l’État sont optimaux? Et si leurs postes étaient abolis?

Que feront le médecin, l’infirmière, l’éducateur, la travailleuse sociale et l’agent d’aide à l’emploi et aux étudiants sans gestionnaires autour d’eux? Que feront l’enseignant et la bibliothécaire de l’école et du cégep sans ces gestionnaires qui ne sont pas nécessairement en contact direct avec la clientèle, mais qui demeurent responsables de la qualité des services obtenus tout en assurant un usage efficient des fonds publics? Que fera l’investisseur qui souhaite s’établir ici en Amérique francophone?

Plusieurs ministères et organismes ont des missions stratégiques pour l’avenir du Québec. La vision qu’ils doivent développer nécessite l’apport de cadres qui proposent des stratégies, des programmes innovants afin que le Québec puisse s’enrichir, rayonner, protéger son environnement et prendre soin de ses citoyens. Une stratégie numérique axée sur l’aide aux entreprises, des données sur la compétitivité fiscale du Québec, la création d’une réserve écologique, l’intégration de systèmes de paie de plusieurs établissements de santé ou encore des analyses poussées sur l’état de nos barrages ne sont pas des services directs aux citoyens, mais l’expertise des cadres et de leurs équipes est nécessaire pour s’assurer que l’État s’acquitte de ses responsabilités.

Jusqu’où donc va la notion de service direct?

Version anglaise de la lettre

Rémi Asselin
Président
Association québécoise des cadres scolaires
Anne Gosselin
Présidente-directrice générale
Alliance des cadres de l’État
Chantal Marchand
Présidente-directrice générale
Association des gestionnaires de la Santé et des Services sociaux
Charles Simard
Président-directeur général
Association des cadres des collèges du Québec

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